Ansu Fati a répondu sans langue de bois aux questions du journal l'Équipe lors d'une interview où il est revenu sur ses débuts au Barça et à la Masia. Morceaux choisis.
Son enfance
"J'ai grandi avec ma mère, mes frères et soeurs, mes cousins et ma grand-mère maternelle dans une maison du quartier de Sao Paulo (NDLR : situé dans le nord-ouest de Bissau, la capitale de la Guinée-Bissau), où nous vivions tous. Mais, comme je suis parti très jeune, je ne me souviens pas de grand-chose."
"Récemment, j'ai demandé à un ami de ma soeur de m'envoyer une vidéo de la rue où nous vivions et ça ne ressemblait pas du tout à l'image que j'en avais gardé ! J'ai très envie d'y retourner."
Ses premiers pas avec le ballon
"J'ai commencé à jouer dans la rue avec mes cousins à 3 ans. En Guinée-Bissau, les enfants ont cette liberté, pratiquement dès qu'ils commencent à marcher. Je me souviens que ma mère m'appelait quand le dîner était prêt."
"On jouait pieds nus généralement. Ceux qui avaient un peu plus de moyens avaient des sandales en plastique. On prenait des chaussettes qu'on enroulait les unes avec les autres pour faire un ballon et c'était parti ! De temps en temps, on arrivait à récupérer une balle en caoutchouc, mais, lorsqu'on shootait dans un truc pointu, c'était fini."
Sa famille
"En 2009, j'ai pris l'avion pour la première fois avec ma mère, mes deux frères et ma grande soeur pour aller vivre en Espagne. Je ne connaissais pas mon père. J'avais vu quelques photos de lui et on se parlait de temps en temps au téléphone, mais c'est tout. J'ai couru pour lui sauter dans les bras lorsque l'on s'est retrouvé à l'aéroport de Séville. Il était parti seul pour gagner de l'argent en Europe quand j'étais tout petit."
"Il voulait qu'on ait une vie meilleure. Il aurait pu s'en aller et nous oublier, comme d'autres le font, mais il travaillait dur, de 6 heures du matin jusqu'au soir, pour pouvoir nous faire venir. Je valoriserai toujours le sacrifice que mon père a consenti pour nous. C'est grâce à lui que j'en suis là aujourd'hui."
Ses débuts au Barça
"Je suis arrivé en 2012, juste après l'inauguration de la nouvelle Masia, alors que le club était au sommet. Les installations étaient très modernes. Il y avait une salle de jeu avec un ping-pong, des billards... Des choses que je n'avais jamais vues auparavant. Ç'a été une expérience incroyable de vivre à la Masia et de travailler avec des formateurs exceptionnels."
"J'ai appris à jouer dans la rue, puis, en Andalousie, je participais à des tournois de futsal, où il fallait beaucoup dribbler. À l'époque, j'aimais bien réaliser des coups du sombrero et des flip-flap. Mais Marc Serra, mon premier entraîneur à la Masia, m'a rapidement fait comprendre dans quel club j'avais atterri et que, lors des matches, je me devais de respecter mes adversaires. Il m'a aussi encouragé à marquer davantage de buts et à ne plus réaliser ce genre de gestes superflus."
"Ensuite, quand je suis entré dans le vestiaire et que j'ai vu Luis (Suarez), Leo (Messi) et tous les autres, je n'arrivais pas à y croire. Je me suis assis sans faire de bruit. Je pensais que c'était juste pour cette fois-là, car ça arrivait souvent que des coéquipiers montent avec les A pour faire le nombre."
"Mais, le jour suivant, on m'a demandé de revenir. Après trois entraînements, j'allais repartir chez moi et Carlos (Naval), le délégué, m'a dit : 'Attends un peu, la convocation pour la rencontre face au Betis va bientôt être annoncée.' Je ne comptais pas du tout à en faire partie, mais là il s'est mis à écrire mon nom sur la liste affichée la veille du match à côté du vestiaire. Je suis sorti à toute vitesse et, en pleurs, j'ai appelé mon père. Il était parti accompagner mon frère qui allait s'engager avec un autre club, mais ils ont fait demi-tour pour revenir à Barcelone."
Ses coéquipiers
"Dès le premier jour, les cadres m'ont accueilli à bras ouverts, comme des grands frères. Ils n'hésitent pas à me dire ce que je peux ou ne peux pas faire, sur ou en dehors du terrain. J'échange beaucoup avec Jordi Alba, car on joue souvent ensemble sur le côté gauche. Par rapport à notre positionnement respectif, comment je peux plonger ou le couvrir lorsqu'il monte. Il y a une alchimie spéciale entre nous. "Busi" (Busquets) dit toujours les choses très franchement, que ça plaise ou non. Quant à Piqué (désormais retraité), il a toujours aimé faire des blagues. J'éprouve beaucoup de respect pour eux."
"Mais il y a aussi pas mal de jeunes désormais dans l'effectif. Avec Eric (Garcia), on joue ensemble depuis toujours. C'est l'une des personnes qui m'a aidé à m'adapter à la vie ici et au jeu du Barça. Je passais pas mal de temps chez lui lorsqu'on était gamins, on jouait souvent à la PlayStation. Sur le terrain, lui aussi me disait de ne pas trop dribbler. (Il se marre.) Avec Pedri, Gavi et les autres, on passe beaucoup de temps ensemble, en dehors du club. On va manger ensemble chaque fois qu'on le peut."